Logement en France

Logement en France

Le marché immobilier d’un pays est en situation de « crise du logement » lorsqu’il y existe un manque de logement dû à une demande de logement beaucoup plus importante que l’offre, et que l’ajustement par les prix ne permet pas un rééquilibrage rapide, notamment en raison d’une rigidité du côté de l’offre ou sur les prix.

Le marché immobilier français a connu des crises du logement au cours de son histoire.

Sommaire

Historique

Avant Guerre en France

Un blocage des loyers stricts décidé en 1914 et jamais remis en cause après la première guerre mondiale va entraîner une paralysie quasi totale de l’investissement locatif privé : le blocage des loyers obère toute rentabilité de ce type d’investissement. Par conséquent, les propriétaires de logements existants cessent de les entretenir, faute de revenus suffisants. Entre deux guerres, la France a construit 2,5 fois moins de logements que la Grande Bretagne, et deux fois moins de logements que l’Allemagne, pourtant affligée par une crise monétaire grave (1923), et l’arrivée au pouvoir des nazis (1933). Entre les logements manquants et les unités insalubres, la pénurie avant guerre est estimée à 2 Millions d’unités [ 1 ] .

Crise de l’après-guerre en France

Les destructions massives de la Seconde Guerre mondiale en France ont accentué considérablement la crise du logement dans l’immédiat après-guerre. Le quart du parc immobilier du pays a été endommagé et certaines localités comme Royan ou Le Havre ont été particulièrement touchées par les bombardements. Des familles doivent vivre dans des logements exigus ou provisoires. « Améliorer les conditions de l’habitat » est un des principaux objectif du 1er plan.

L’État revoit la législation (loi de 1948) et, tout en continuant à exerçer un contrôle des loyers, relâche ce contrôle sur les construction neuves ou rénovées, dans l’espoir de stimuler l’investissement. Par ailleurs il lance la construction de grands ensembles, tant pour répondre rapidement à la demande, que pour stimuler l’apparition d’une véritable industrie du bâtiment capable de mettre en œuvre les nouvelles techniques maintenant disponibles (alors que le secteur était resté très artisanal).

Les années 1950 et 1960 ont été marquées par l’apparition de bidonvilles, qui accueillent des immigrés de fraîche date [ 2 ] . L’État met alors plusieurs structures sur place, dont le Fonds d’Action sociale pour les travailleurs musulmans d’Algérie en métropole et pour leur famille qui finance les foyers de travailleurs migrants de la SONACOTRA. Ces bidonvilles disparaissent dans les années 1970.

Crise dans les années 2000

Certains acteurs médiatiques ont dénoncé la ré-emergence d’une crise du logement en France, en particulier l’Abbé Pierre, déjà à l’origine d’un appel public lors de l’Hiver 1954. Selon une étude de 2004, « en rouvrant les cicatrices d’une époque troublée, l’Abbé Pierre joue sur le registre émotionnel : il dramatise la situation actuelle et place ainsi l’opinion publique et la classe politique devant le «diagnostic accompli». Ainsi légitimé, le thème revient au centre du débat politique sans avoir à être défini ni prouvé. » [ 3 ]

Cette crise, si elle existe, est très relative et sans commune mesure avec celle de l’après-guerre, puisque une partie des logements existants sont vacants, que 74 % des ménages se déclarent « satisfaits ou très satisfaits de leur logement » [ 4 ] , que les surfaces par personne augmentent régulièrement alors que la proportion des ménages français se déclarant mal logés baisse ( 7,2 % en 2002) [ 5 ] .

Plusieurs éléments peuvent néanmoins expliquer le retour de ce thème en dépit d’indicateurs généraux positifs : la bulle immobilière des années 2000 (signe d’une demande plus forte que l’offre), l’exploitation générale du thème politique des problèmes de la banlieue, le souhait de s’intéresser surtout à la partie la plus pauvre de la population et notamment les scandales récurrents autour de l’attribution des HLM, .

Déterminants

Parmi les déterminants de la crise actuelle, on peut distinguer les causes d’ordre sociologiques ou démographiques et pesant sur la demande, des causes directes, d’ordre économiques pesant sur l’offre.

Déterminants démographiques et sociologiques
  • Déterminants démographiques : Les évolutions de la population française (urbanisation croissante, mobilité plus importante des ménages [ 6 ] , espérance de vie croissante) explique une part de la hausse de demande de logements, particulièrement sensible en ville.
  • Déterminants sociologiques : La baisse continue de la taille des ménages au XX e  siècle siècle induit une hausse de la demande de logement. Entre 1975 et 2005, le nombre moyen de personnes par ménages est ainsi passé de 2,88 à 2,31 [ 7 ] . La hausse du célibat (20% des français adultes seraient célibataires selon le sondage INSEE de 1999 [ 8 ] ), particulièrement significative dans les grandes villes et à Paris, et la multiplication des divorces (qui entraînent la demande de deux logements avec des chambres, pour accueillir alternativement les enfants, au lieu d’un seul auparavant) renforce la demande de logement dans ces zones.
Déterminants règlementaires, politiques, et économiques

Selon un rapport du Sénat, il n’y aurait « pas de pénurie de foncier brut » (c’est-à-dire de terrains qui pourraient accueillir des logements), à l’inverse d’autres pays européens, mais une « pénurie de l’offre de terrains mis sur le marché au regard de la demande de logements » (c’est-à-dire des terrains où la construction de logement a été autorisée par les maires) [ 9 ] .

La construction immobilière se concentre de plus en plus dans des communes rurales. Entre 1995 et 2006, la construction en secteur rural est même celle qui connait la croissance la plus importante [ 10 ] . Ces mises en chantier, à la fois loin des centres-villes et des bassins d’emplois ne contribuent pas à réduire la crise.
Selon le mensuel Alternatives économiques, une des causes de la faiblesse de l’offre s’explique par la réticence des maires (ou présidents d’intercommunalité) français à accueillir de nouveaux habitants : « modification des équilibres sociaux et donc politiques de la ville, charges supplémentaires en termes d’équipements publics, motif de mécontentement pour les habitants en place », risques financiers et environnementaux, etc [ 10 ] . À l’inverse, avec la flambée des prix, ne rien construire, rapporte aux collectivités locales (droits de mutations, etc.) [ 10 ] .

Dans le même temps, la France a connu une baisse du coût du crédit, ce qui a permis à nombre plus grand de ménages de s’endetter. Face à cette demande croissante, l’offre n’a pas immédiatement suivi. C’est seulement à partir de 2004, que la construction a connu une hausse importante (surtout dans les communes rurales et dans les communes urbaines de moins de 50 000 habitants). Cette offre n’est toutefois pas suffisante pour égaler l’augmentation du nombre de ménages. Surtout, l’offre de logement ne correspond pas assez aux moyens et aux besoins (proches des bassins d’emplois) des français. Le déficit de logement est particulièrement sensible en région Île-de-France.

Philippe Manière ajoute aux déterminants règlementaires l’instabilité du cadre des investissements : il note ainsi dans L’Aveuglement français (1998) que le taux de déduction forfaitaire pour frais sur les loyers encaissés est passé de 25 à 20% en 1981, puis à 15% en 1988, 10% en 1989, 8% en 1990, 10% en 1993, 13% en 1995 et 14% en 1997. Cette instabilité rend tout calcul prévisionnel de la viabilité d’un investissement impossible, ce qui décourage selon Philippe Manière les investisseurs de construire de nouveaux logements ou de rénover les logements anciens. Il écrit ainsi : « Il ne faut pas s’étonner dans ces conditions que le parc locatif privé se restreigne année après année, avec les conséquences que l’on sait sur le logement » [ 11 ] .

Pour l’économiste Vincent Bénard, la crise du logement en France tire son origine de l’intervention étatique. Il écrit:

Selon Philippe Galy, élu UMP, la crise du logement prendrait en partie son origine dans la gestion des aides au logement et des HLM.

Caractéristiques

L’effet du logement social sur le marché immobilier est discuté ; pour certains il est insuffisant, pour d’autres il fausse l’équilibre entre l’offre et la demande et renforce la crise du logement.

Faiblesse persistante du logement pour les ménages modestes

Selon la Fondation Abbé Pierre, il y aurait en France, trois millions de personnes très mal logées :

  • Un million de français n’ont pas de domicile personnel, 100 000 n’ayant aucun toit, 150 000 vivant dans des centres d’hébergement d’urgence, 200 000 vivant dans des abris de fortune (cabane, camping. ), environ 500 000 habitent en chambre d’hôtel, chez des tiers ou sont en instance d’expulsion.
  • Un million de personnes seraient privées du confort de base.
  • Un dernier million de personnes manquerait nettement d’espace [ 12 ] .

La part des ménages français se déclarant mal logés est passé de 13,4 % en 1978 à 6,0 % en 1996, puis est remontée à 7,2 % en 2002 avant de redescendre à 6,5 % en 2006, selon l’INSEE [ 13 ] .

En 2006, 4 millions de ménages ont cherché un logement. Parmi eux, 800 000 ont accédés à la propriété (en s’endettant ou non). Les autres ont fait appel au parc locatif. « Étant donné l’insuffisance de l’offre par rapport à la demande, les candidats à la location, surtout s’ils sont disposent de ressources modestes ou précaires, vivent la recherche de logement comme un véritable parcours du combattant » précise ainsi un document de la Fondation Abbé Pierre [ 14 ] . Sur ces 3,2 millions de postulants à la location, 430 000 ont obtenu un logement social.

L’offre de logements sociaux connaît en effet une baisse importante entre 1999 et 2005 : elle passe de 500 000 à 430 000 logements. Plusieurs raisons à cela : construction assez faible et rotation des logements en baisse. Cette faible rotation des locataires s’explique par l’écart croissant entre loyers dans le parc HLM et dans le secteur locatif privé. Cet écart est particulièrement important en région parisienne [ 12 ] .

La construction de nouveaux logements sociaux marque le pas et une commune sur cinq n’atteint pas le quota de 20% de logements sociaux prévu par la loi SRU de 2000 [ 10 ] [ 15 ] . Selon la Fondation Abbé Pierre, depuis 2002, l’aide à la pierre par l’État s’est réduite. Par ailleurs, le renouvellement du parc social se concentre de plus en plus sur le logement intermédiaire (Produit à loyers intermédiaires et PLS), tandis que la construction de logements sociaux (PLUS et PLAI) est en baisse (9% du renouvellement de parc en 2007) [ 14 ] .

La conjugaison de la crise du logement et de la faiblesse de l’offre du parc social entraîne une baisse de la mobilité résidentielle. Cette baisse entraîne à son tour une baisse de la mixité sociale et la concentration des franges les plus pauvres de la population dans des secteurs géographiques limités. [ 16 ] . [réf. nécessaire]

Difficultés nouvelles pour le logement des classes moyennes

Entre 1990 et 2006, les ménages de la classe moyenne connaissent une hausse sensible du poste de consommation « logement, eau, gaz et électricité », passant de 20 % à 25,2 % des dépenses de consommation des ménages français, premier poste de consommation loin devant les transports (14,7% en 2006) et l’alimentation (13,7% en 2006) [ 17 ] . Cette hausse du poids du budget logement des ménages s’explique notamment par l’envolée des prix de vente au mètre carré (multipliés par deux depuis 2001) et celle, très supérieure à l’inflation, des loyers.

Politiques proposées pour résoudre la crise

Politiques mises en oeuvre
  • accorder un «droit au logement opposable» ;
  • Accroître encore la protection des locataires en difficulté, c’est à dire restreindre encore les droits des bailleurs [réf. nécessaire]  ;
  • subventionner directement, ou indirectement (par des exonérations fiscales), la construction et la rénovation. En augmentant ainsi l’offre de logements disponibles, l’objectif est de baisser le niveau général des prix immobiliers (à l’achat comme à la location) ;
Propositions d’inspiration institutionnelle

Les politiques et les associations spécialisées proposent une série de mesures (généralement déjà en cours d’application, et donc détaillées plus haut), dont les principales sont :

  • d’accroître, de moderniser et de mieux répartir géographiquement le parc de logement social (HLM) ;
  • d’orienter cet accroissement vers la partie la plus sociale (PLUS et PLAI) plutôt que vers le logement intermédiaire (Produit à loyers intermédiaires et PLS) [ 14 ]  ;
  • Réquisitionner les logements vacants ;

Ces propositions sont le plus portées par des acteurs politiques qui insistent plus généralement sur la nécessité de l’intervention publique, appellent à « une politique globale et continue de création d’emplois, de renforcement des services publics, de réduction des inégalités et de lutte active contre les discriminations multiformes. [ 18 ] , se scandalisent qu’une commune sur cinq n’atteignant pas le quota de 20% de logements sociaux prévu par la loi SRU de 2000 [non neutre] [ 10 ] .

Propositions d’inspiration libérale
  • d’orienter le parc HLM existant vers les familles réellement modestes (rapprocher des prix de marché les loyers des détenteurs d’un HLM dont les revenus sont élevés, voire les expulser au delà d’un plafond) [ 19 ] ;

À l’inverse, l’économiste du logement et analyste à l’Institut Turgot Vincent Bénard propose des solutions d’inspiration libérale.

Réfutant toutes les solutions proposées plus haut, en raison d’effets pervers sur le marché immobilier dans son ensemble, ses propositions sont :

  • puisque « c’est l’occupant qui est social, ce n’est pas le logement » [ 20 ] , remplacer le système du logement social et le maquis des aides au logement par un chèque logement, fonction du nombre de personnes du foyer et dégressif avec les revenus pour éviter les effets de seuil, utilisable pour l’achat ou la location ;
  • dans cette solution, les HLM n’ont plus de raison d’être : il faut vendre tous les HLM à leurs locataires, ce qui rendrait actif un capital actuellement mort (Cf. théorie de Hernando de Soto), et réunifiera et rendrait plus efficient le marché immobilier (actuellement fragmenté en sous-marchés)  ;
  • encourager la construction en incitant les épargnants à investir dans le logement, en leur rendant plus de liberté pour fixer les loyers ou rompre un bail, et plus de confiance dans la protection de la loi contre les mauvais payeurs et le pouvoir (expropriation, servitudes, etc.), au lieu de multiplier les subventions ou les exonérations fiscales, qu’il faudrait au contraire supprimer.
  • supprimer les règlementations de zonage qui « limitent artificiellement la constructibilité du sol » et ainsi provoque une « rareté artificielle » qui serait responsable d’un tiers de la valeur des biens immobiliers en 2005 [ 21 ] . « Tout terrain doit être présumé constructible ».
  • ouvrir l’immigration aux professionnels étrangers pour que les entreprises puissent répondre à la demande de construction.

Avec une telle politique (qui tient à la fois d’une politique de la demande, pour le chèque logement, et d’une politique de l’offre, pour le reste), Vincent Bénard affirme que « la crise peut être résolue en moins de 10 ans » [ 22 ] .

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